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le sport avec vaness
16 février 2010

Le dopage est aussi l’affaire des médias

Prudhomme« Je suis d’accord avec l’assertion selon laquelle il n’y a pas de sports sans médias, ni de médias sans sports », affirme Christian Prudhomme, ancien journaliste et aujourd’hui directeur de Amaury Sport Organisation (ASO) dans le rapport d’information « sports, argent, médias » du Sénat en Mai 2004. Cette citation est au cœur du problème. Aujourd’hui, tout est à base d’argent, d’audiences, de chiffres d’affaires. Le dopage en est la preuve. Le dopage est le verso du sport business où le spectacle rime avec rentabilité financière. Les journalistes sportifs ont un rôle important à jouer. S’ils arrivent à faire leur métier en gardant leur indépendance, ils peuvent redorer le blason du sport avec leur stylo, leur Nagra ou leur caméra.

Indépendance, le maître-mot

Les médias et les sportifs ont le même objectif : rendre le sport attractif. Deux visions s’opposent. Tous deux ont la même passion. Tous deux en vivent. Les limites de l’indépendance des journalistes sont nombreuses, enjeux financiers importants, contrôle de l’information par les sources et connivence avec les acteurs du monde sportif. Rien de nouveau, mais avec l’avènement du sport-business, ces phénomènes se sont accrus. Comment un journaliste peut-il enquêter sur le dopage, alors que son employeur organise des compétitions sportives ? Comment avouer qu’un match est d’une qualité très médiocre, alors que sa chaîne a déboursé des millions d’euros pour le retransmettre ? Conscients d’être indispensables pour les médias, les sportifs savent en profiter. Un article leur déplaît, et la sanction tombe : interdiction d’accès aux installations d’un club, de répondre à la presse… Face à ces dangers, les journalistes se doivent de défendre leur indépendance. Mais le peuvent-ils encore ? Très difficile à dire du fait de la relation étroite qu’il existe entre les journalistes et les sportifs. « C’est leur gagne-pain, affirme Stéphane Mandard, journaliste sportif au Monde et spécialiste du dopage. Le journal L’Équipe est lié directement et historiquement au Tour de France. C’est forcément plus compliqué pour ses journalistes de parler du dopage. De même, la télévision est devenue coorganisatrice des principaux évènements sportifs. Au Monde, nous pouvons prendre plus de distances sur certains sujets, contrairement aux commentateurs qui sont dans l’instantané, le spectacle. »

« J’ai arrêté de travailler sur le vélo parce que ça rend schizophrène »

Doivent-ils dévoiler ou cacher les affaires de dopage ? Telle est la question. En 1988, Alain Vernon fut l’un des premiers journalistes télévisés à s’intéresser aux dérives du dopage dans le cyclisme notamment sur Pedro Delgado, l’Espagnol qui a remporté le Tour de France cette même année. Journaliste à France 2, Alain Vernon a quitté l’univers émotionnel de la Petite Reine. En avril 2001, dans un entretien au Monde, il est revenu sur ses années passées sur le Tour de France, « pour appartenir à cette « famille », un journaliste devait renoncer à faire son métier. Il devait partager les mœurs du milieu. Moi, j’ai arrêté de travailler sur le vélo parce que ça rend schizophrène : d’un côté, des sportifs qui font le spectacle, qui soulèvent des foules, accomplissent des exploits ; de l’autre, une machine à étouffer la vérité, à produire de la performance, de l’argent, sans souci de la vie de ceux qui y contribuent. Le danger, c’est de fermer les yeux au nom d’une autre rentabilité : les chiffres d’audience. »

Pierre Ballester, ancien journaliste spécialisé en cyclisme à l’Equipe de 1989 à 2001 et depuis 1998 dans les affaires de dopage affirme : « on triche avec des émotions, avec un public, avec des résultats, avec de l’argent… Dans le cyclisme, c’est une véritable mascarade ». L’auteur de L.A. Confidentiel (ed. de la Martinière) et Tempêtes sur le tour (ed. du Rocher) (photo tempetesurletour) en a été témoin. Selon lui, dans les coulisses, le micro éteint, les produits incriminés deviendraient parfois sujets à plaisanteries. Lorsqu’ils ne sont pas au centre de soirées festives entre coureurs et journalistes.

On ne peut pas parler d’une révolution depuis l’affaire Festina mais la lutte contre le dopage avance, tout comme la remise en question des journalistes. L’affaire Festina sur le Tour de France 1998 a eu le mérite de déclencher un vacarme médiatique.  « Il y a l’avant et l’après 1998, explique Stéphane Mandard. Désormais, on ne parle plus de la même façon du sport en général et du Tour de France en particulier. » Eric Maitrot, auteur du livre les Scandales du sport contaminé. « Il ne faut pas être trop optimiste, tempère Eric Maitrot. Tout a repris comme avant. Cela oblige seulement les journalistes à suivre les dossiers mais il n’y a malheureusement pas plus d’enquêtes. Si ce n’est dans la couverture des faits judiciaires, peu de rédacteurs s’intéressent au problème du dopage. Le journaliste sportif ne va pas provoquer ou chercher des affaires. Il ne va pas tellement fouiller. Son souci, c’est de ne pas scier la branche sur laquelle il est assis. » Tout n’est pas redevenu comme avant. Il faut relativiser. Les journalistes sportifs notamment ceux de l’Equipe ont fait des efforts quoiqu’en dise David Garcia dans la Face cachée de l’Equipe (ed. Danger public).

« Certains essaient de nous faire dire ce qu’on ne doit pas dire »

Certains journalistes sportifs ont effectué de véritables enquêtes pour dévoiler le dopage. En 2004, l’affaire Cofidis éclate. Elle n’a pas touché que les coureurs mais elle a surtout mis en cause l’éthique des journalistes. Le Point et l’Equipe avaient publié des informations confidentielles sous couvert du secret de l’instruction pour dénoncer l’affaire Cofidis. Début 2004, une information judiciaire avait été ouverte à la suite de  la publication de compte-rendus d’écoutes téléphoniques par le Point et de larges procès d’audition par l’Equipe. Le juge de Nanterre a donc demandé des perquisitions aux sièges des deux journaux ainsi qu’aux domiciles de deux journalistes du quotidien sportif afin de remonter à la source. Ces perquisitions sont, d’après la convention européenne des droits de l’Homme, illégales.  Les journalistes ont voulu sensibiliser le public au dopage, les pouvoirs publics s’en sont mêlés pour les en dissuader. Les coureurs, eux, ont eu l’impression d’être trompés. Comme le dit Cédric Vasseur, ancien coureur de l’équipe sponsorisé par Cofidis qui voue une rancune tenace envers les journalistes, « Il faut [que les journalistes prennent] plus en considération la personne. (…) Le journaliste a le devoir de se poser des questions. Il ne doit pas aller à 100% dans une seule direction. On traîne comme un boulet le décès de Simpson et l’affaire Festina. (…) Après 250 kilomètres de course, on est attendu par une trentaine de journalistes. Certains essaient de nous faire dire ce qu’on ne doit pas dire… »

Certains journalistes soupçonnent des coureurs de dopage comme Lance Armstrong. Malgré des enquêtes poussées, le doute persiste. Rien n’a été prouvé. En 2005, une enquête sur Lance Armstrong n’a pu aboutir. L’Américain, septuple vainqueur de la Grande Boucle, est l’ami de Verbruggen, ancien président de l’UCI, donc lorsque les intérêts américains rejoignent ceux des défenseurs déclarés de la lutte anti-dopage cela donne un coureur pas du tout remis en cause. Le quotidien a également publié des articles sur de grands animateurs de l'épreuve mis en cause dans des affaires de dopage, comme le cycliste autrichien Bernard Kohl et l'Allemand Stefan Schumacher.

Des solutions pour contrer le dopage

Les journalistes, pour améliorer leurs connaissances sur les produits, la législation, la prévention, l’éthique et l’histoire du dopage, ont la possibilité de faire un diplôme universitaire spécifique à ce fléau. Ce nouveau procédé pourra peut-être les aider à savoir et à découvrir qui est dopé et qui ne l’est pas. Les méthodes de travail ont aussi évolué. Avant lors des courses cyclistes, les journalistes dormaient dans les hôtels des coureurs, participaient à la vraie vie de la course et écrivaient du sensationnel qu’avec le récit de la compétition. Aujourd’hui, ils montent juste dans leurs voitures et vont suivre la course à la télévision. Quel sensationnel ! Les médias ne doivent pas oublier leur objectivité dans les dérives liées au  « sport spectacle ». Il faut aussi qu’ils ne minimisent aucune affaire de dopage pour aucune raison, tout doit être dévoiler. Mais attention, avant de tout dévoiler, il faut enquêter avec minutie et ne rien dire avant de bien vérifier les faits. D’autant plus que la révélation de scandales discrédite le sport ce qui peut nuire aux ventes des journaux, à l’audience des chaînes de télévision. On l’a vu sur le Tour de France 2008, les chaînes de télévision allemande n’ont pas couvert le Tour de France, et son audience a fortement baissé. Dénoncer sans détruire, voici sans doute le nouveau credo des journalistes spécialisés dans le cyclisme. 

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