A 25 ans, le Sicilien est l’un des espoirs du cyclisme transalpin mais discret, il reste méconnu du grand public.
« Basso, c’est mon grand frère. Je lui dois beaucoup dans ma troisième place, mais dans sa victoire, il y a aussi un peu de mon travail », assure Vincenzo Nibali après la fin du Giro 2010. Basso et Nibali étaient au départ d’Amsterdam deux pour une seule place de leader mais Nibali a su se mettre au service de son aîné victorieux de ce 93e Giro. Brun aux yeux noisette, Vincenzo Nibali n’est pas le coureur le plus connu du peloton. Le grand public ne connaît du coureur italien avant cette 3e place que son septième rang au Tour de France 2009. Nibali, 25 ans, est discret. Et ce n’est pas le maillot rose qu’il a porté trois jours sur ce Giro qui va lui faire oublier qui il est.
Le cyclisme est entré très tôt dans la vie de Nibali, fils de carrossier à Messine. Rapidement, il montre de belles qualités vite repérées par les sélectionneurs de l’équipe nationale italienne dans les catégories juniors et espoirs. Dès 2002, âgé de 18 ans à peine, il est champion d’Italie sur route juniors puis médaillé de bronze aux championnats du monde de contre-la-montre juniors. Deux ans après, c’est dans la catégorie espoirs qu’il glane cette troisième place et termine cinquième de l’épreuve en ligne. Ses débuts promettent. En 2005, la Fassa Bortolo le repère et l’engage. Nibali monte doucement les échelons. Ses qualités de rouleur s’expriment parfaitement sur les contre-la-montre qui deviennent sa spécialité. Il décroche le chrono de la semaine internationale Coppi-Bartali. En 2006, il brille dans cette discipline sur des épreuves de plus grande importance, tels les Tours de Suisse, de Pologne, du Danemark. Mais, le jeune Italien s’exprime sur tous les terrains et même les sprints… dans de petits groupes. Comme sur le Grand Prix de Plouay en 2006 qu’il remporte devant Flecha et Mori. Passé chez Liquigas, en ce début de saison 2006, son directeur sportif, Mario Chiesa, croit en lui, « il a les jambes mais il lui manque encore la tête. Quand il se sent très fort, il court très mal ».
Une progression croissante
À 21 ans, le Sicilien fait ses gammes. Discrètement. Il n’est pas de ceux qui explosent d’un seul coup et qui implose d’un autre. Non. Nibali prend son temps. En 2007, il court son premier grand Tour, le Giro. Mais à la Liquigas, Vincenzo n’est pas le seul à être un nouvel espoir du cyclisme mondial, il y a aussi Roman Kreuziger, le Tchèque, champion du monde junior en 2004 et puis les anciens Di Luca et Pellizotti. La concurrence est forte. Motivé, le Sicilien réussit à faire un top 20 dans un total anonymat. Il réitère son exploit en 2008, où il décroche la 11e place. Cette année-là, il enchaîne avec le Tour de France où il se classe 20e et revêt le maillot blanc du meilleur jeune*. Petit à petit, Vincenzo Nibali fait sa place à la Liquigas aux côtés de ses leaders, Pelizzotti, Basso qui a rejoint la formation en 2009 et Kreuziger. Il prend une autre dimension à l’orée de la saison 2009 et se consacre davantage aux courses par étapes. Outre ses qualités de rouleur, il a également montré de belles aptitudes dans les étapes de montagne notamment lors du Tour 2008 (il finit 13e de la grande étape pyrénéenne Pau-Hautacam). Malgré son caractère plutôt réservé, il est ambitieux. « Finir dans les dix premiers serait une victoire pour moi », avoue l’Italien à Cyclingnews, avant la Grande Boucle 2009. Là, les connaisseurs vont le découvrir réellement. Au départ, il n’est encore une fois qu’un simple coéquipier mais avec de belles performances en montagne, il termine 7e de son deuxième Tour et devance surtout ses leaders, Kreuziger et Pellizotti. Bel exploit pour l’Italien. « Je suis satisfait de ma saison parce que j’ai progressé. Je me suis amélioré depuis que je suis passé professionnel. A 24 ans, Ivan Basso, qui est un grand champion, avait fini 11e du Tour. J’ai fait mieux et c’est significatif », reconnaît Nibali, sans prétention.
« Un athlète avec une classe particulière »
Il a l’étoffe d’un grand. Partir de la Liquigas en cette fin d’année 2009 serait sans doute la meilleure solution pour qu’il devienne un véritable chef de file. Sky, nouvelle formation britannique en 2010, le veut. Ses dirigeants italiens refusent de laisser partir leur perle arrivée en 2006. Il reste. Basso, Pellizotti, Kreuziger sont encore là. « Il y a peut-être trop de capitaines, Mais je pense pas que j’aurais de problèmes avec ceux qui composent la Liquigas aujourd’hui », concède le Sicilien. Va-t-il pouvoir s’épanouir ? Ses résultats prouvent qu’il est bien dans cette formation. Il s’impose au Tour de San Luis, réussit de belles places dans les classiques de printemps. Normalement, il n’était pas prévu au Giro pour se consacrer à son objectif, le Tour de France, mais il s’élance d’Amsterdam à la place de son coéquipier Pellizotti, rattrapé par des irrégularités sur son passeport biologique. Son coéquipier et leader, Ivan Basso n’est pas contrarié par cette arrivée. « Nibali est un jeune de très grand talent. Il a fait un excellent Tour l’an passé donc je crois que, même s’il n’était pas prévu au départ, il peut faire lui aussi un excellent Giro, c’est un athlète avec une classe particulière », avoue-t-il. Basso a raison. Nibali a réalisé un très bon Tour d’Italie où son aide notamment en descente a été précieuse pour le deuxième succès final de Basso. D’ailleurs, le Sicilien le reconnaît : « Je dois beaucoup à Ivan (Basso) dans ma troisième place, mais dans sa victoire, il y a aussi un peu de mon travail ». Nibali peut être heureux de ce premier podium sur un grand Tour. Va t-il enchaîner avec le Tour de France qui était le point d’orgue de son année ? « Je ne me suis pas encore décidé. Si je le fais, je devrais ensuite arrêter ma saison. À l’inverse, si je ne le fais pas, je me reposerai afin de courir tout l’automne », affirme Nibali. Et c'est cette dernière solution que le coureur a suivie. Il a participé à la Vuelta qu'il a remporté avec la classe d'un grand et arborera les couleurs de l'Italie lors des championnats du monde de cyclisme à Geelong (Australie).
Est-ce le nouvel espoir du cyclisme transalpin décimé depuis des années par les affaires de dopage ? Les tifosi ont besoin d’y croire. Le Sicilien, à 25 ans, a toutes les qualités pour devenir le coureur du renouveau italien. « Si je trichais avec les règles, je me sentirais une vermine, ce serait trahir l’éducation que m’ont donnée mes parents », ose-t-il dire. Il ne reste plus qu’à Nibali à le prouver.
*Suite au déclassement de Ricco, contrôlé positif à l’EPO Cera.
Vanessa Juliet.